Enseigner les mémoires de la Seconde Guerre mondiale
Enseigner les mémoires de la Seconde Guerre mondiale.
Centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane. Le 8 avril 2004
Joanne Théate
Philosophe, chargée du service éducatif
auprès du Centre de la Mémoire
Les concepts :
· Histoire : un concept polysémique. L'Histoire c'est ce qui cherche à savoir, mais c'est aussi l'ensemble des évènements du passé et le récit sur ces évènements. En allemand, deux termes différents désignent les deux derniers points. L'Histoire c'est aussi un terme dont le pluriel est problématique : faire des histoires…
· Représentation : Le récit historique prétend remettre à l'esprit le passé. On appelle représentation ce qui rend présent à l'esprit ce qui n'est plus. La représentation se distingue de l'imagination dont elle est pourtant proche. La fabulation c'est à dire le récit imaginaire crée souvent des histoires…
· Mémoire : C'est la capacité à se souvenir, à mémoriser des images du passé. A la différence de la simple imagination, la mémoire crée des images dans un référent à un existant passé. La mémoire dès lors devient une source de l'élaboration du récit historique.
· Mémoire et histoire, un couple d'amants terribles. Ils sont inséparables, on a besoin des deux, mais ils se détestent. Ils sont aussi échangistes. La mémoire flirte souvent avec l'imagination, l'histoire s'imprègne du présent…
Les problèmes :
· Les livres d'histoire ne parlent pas de ma mémoire, de la mémoire privée avec son caractère émotionnel, subjectif. Comment alors se fier à un récit individuel, sélectif, partiel, pour construire une approche collective qui est celle de l'historien ?
· Qu'est-ce que la mémoire collective ? Comment attribuer à un groupe ce qui relève d'une faculté individuelle ? Ce qui est commun c'est en fait l'identité. Comment fonder du collectif, du commun, sur de l'identité ?
· La mémoire collective peut faire pression sur l'Histoire. La multiplication des mémoires subjectives fait alors apparence d'objectivité, mais elle masque souvent les enjeux politiques ou sociaux du temps présent, déformant l'histoire.
· La commémoration est en complète contradiction avec le travail de l'historien, en quête d'objectivité, de savoir, de connaissance. La mémoire érigée en mémorial n'a plus rien à voir avec l'Histoire Comme Kant le disait de la philosophie et de la religion, l'Histoire ne doit pas « être la servante » de la mémoire.
· Mémoire et oubli : l'oubli est une nécessité pour vivre, un impératif. Le devoir de mémoire n'a rien d'intemporel. Il s'inscrit dans le présent. L'Histoire permet une reconstruction du souvenir vécu.
« La mémoire se transmet, l'Histoire s'enseigne » (P. Plas)
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