nautilus

1. Présentez le document en précisant les circonstances qui ont permis au Vietnam de proclamer son indépendance.

Cet extrait du discours d'Hô Chi Minh, prononcé à Hanoï le 2 septembre 1945, s'inscrit dans le contexte de la fin de la Seconde Guerre mondiale qui met au jour l'affaiblissement des puissances coloniales et le renforcement des mouvements nationalistes revendiquant l'indépendance des colonies. La mainmise du Japon sur l'Indochine au cours de la guerre, à laquelle collabore l'autorité française, entraîne la recrudescence des mouvements nationalistes.

Les nationalistes et les communistes vietnamiens, dirigés par Hô Chi Minh (« Celui qui éclaire »), fondent dans le Haut-Tonkin la « Ligue pour l'indépendance du Vietnam » ou Viet-minh, dont le programme est de chasser « les fascistes français et japonais et d'édifier une république démocratique du Vietnam ». L'emprise du Viet-minh s'étend à la faveur de l'effondrement nippon. Celui-ci entraîne la proclamation de l'indépendance du Vietnam par l'empereur d'Annam, Bao Daï. Mais en août 1945, la révolution nationaliste et communiste balaie le Vietnam, entraînant l'abdication de Bao Daï. Le 2 septembre 1945, les vainqueurs, par la voix de leur leader Hô Chi Minh, annoncent la formation d'un gouvernement provisoire de la République démocratique. Cette décision est l'objet du discours du 2 septembre 1945.

2. Comment l'indépendance est-elle justifiée ?

L'indépendance est justifiée par des « vérités indéniables ». Hô Chi Minh énumère ces vérités. Il prend d'abord appui sur le préambule de la Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique (première décolonisation de l'Histoire) de 1776, qui affirme que tous les hommes naissent libres et égaux en droits, et que ces principes sont la condition du bonheur. Il cite ensuite la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, texte fondateur de la France mettant fin à l'absolutisme à la suite des événements révolutionnaires de l'été 1789, et qui proclame lui aussi que « les hommes naissent libres et égaux en droits ». La France étant la puissance colonisatrice du Vietnam, métropole ayant assujetti un peuple, en l'occurrence le peuple vietnamien, Hô Chi Minh met donc en exergue la contradiction entre les principes d'humanité et de respect qui fondent la République française, et leur non-application par la France aux peuples qu'elle a colonisés. Cette vérité indéniable est d'autant plus éclatante qu'Hô Chi Minh met face à face la devise de la République française, « Liberté, Égalité, Fraternité » et les termes qualifiant l'attitude de la France au Vietnam, « (…) violé le territoire de nos ancêtres et opprimé nos compatriotes ».

Afin de renforcer la légitimité du peuple vietnamien à reconquérir sa souveraineté et à la proclamer, Hô Chi Minh rappelle la lutte de son peuple pendant la Seconde Guerre mondiale, aux côtés des Alliés dans leur combat contre le fascisme et pour la liberté.

3. Montrez les buts et la détermination des auteurs de ce texte.

Hô Chi Minh, qui prononce ce discours, parle au nom du Gouvernement provisoire de la République démocratique du Vietnam, dont il fait partie, et au nom de la population entière du Vietnam. Leurs buts sont la rupture de toute relation avec la France impérialiste et la volonté de garder leur droit à la liberté et à l'indépendance. Un certain nombre d'expressions du discours montrent la détermination du peuple vietnamien pour obtenir son indépendance et préserver sa liberté : au cours de la domination française « un peuple qui s'est obstinément opposé à la domination française pendant plus de quatre-vingts ans » ; au cours de la Seconde Guerre mondiale « s'est décidément rangé du côté des Alliés pour lutter contre le fascisme » après la reddition des Japonais, « notre peuple tout entier s'est levé pour reconquérir sa liberté » ; face à l'avenir « Tout le peuple du Vietnam est décidé (…) à sacrifier sa vie et ses biens pour garder son droit à la liberté et à l'indépendance ».

4. Quelles sont les conséquences de cette déclaration ?

Cette déclaration déclenche une longue crise entre la France et le gouvernement provisoire de la République du Vietnam. Afin de reprendre pied en Indochine, la France la reconnaît comme un État libre avec son parlement et son gouvernement. Mais en réalité, elle garde sa mainmise sur l'Indochine par l'intermédiaire de son représentant, le haut-commissaire Thierry d'Argenlieu. Celui-ci prend prétexte de l'agitation nationaliste pour faire bombarder le port d'Haïphong le 25 novembre 1946. Le Vietminh réplique par un massacre d'Européens à Hanoï, le 19 décembre 1946, marquant le début « officiel » de la guerre. En réalité, les positions des deux camps étaient inconciliables, entre une France accrochée à une intégration de la Fédération indochinoise dans l'Union française, et la reconnaissance d'un Vietnam communiste et souverain. On pourra brièvement évoquer cette première guerre indochinoise qui, par la lutte du Viet-minh, revêt l'aspect d'une guerre de libération nationale, alliant patriotisme du peuple vietnamien et projet révolutionnaire communiste. L'aide de l'URSS et de la Chine au Vietminh est à citer, de même que l'aide des États-Unis à la France. Ce conflit de Guerre froide se termine par la capitulation de 12 000 Français à Diên Biên Phu le 7 mai 1954, et la signature des accords de Genève le 21 juillet 1954.

Ces accords marquant l'indépendance du Vietnam (mais aussi du Cambodge et du Laos) divisé en deux États de part et d'autre d'une ligne de démarcation, le 17e parallèle : au Nord, la République démocratique du Vietnam communiste, et au Sud, une république nationaliste sous influence américaine.