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Mahmoud Darwich, le poète de la cause palestinienne



Né en 1941 dans un village de Galilée qui a été rasé à la création d'Israël en 1948, Mahmoud Darwich est le poète de la cause palestinienne. Il choisit l'exil au début des années 1970, avant de s'installer dans les territoires palestiniens en 1995.
Il est
décédé le 9 août 2008 à l'âge de 67 ans dans un hôpital aux États-Unis. Son corps a été transporté depuis Amman par un hélicoptère militaire jordanien qui a atterri dans la Mouqataa, le QG du président palestinien Mahmoud Abbas.

Un court portrait du poète par France 24 :



D'
imposantes funérailles nationales, sans précédent depuis celles de Yasser Arafat, le chef historique des Palestiniens décédé en novembre 2004, ont été organisées à Ramallah, en Cisjordanie, pour accompagner le poète dans sa dernière demeure, un lopin de terre depuis lequel peut être aperçue la banlieue de Jérusalem.

M. Abbas a rendu hommage au poète qui incarnait l'aspiration de son peuple à l'indépendance et racontait leurs souffrances causées par l'exil et l'occupation. Des poèmes récités par Darwich ont été diffusés par haut-parleurs : « Ici, aux pentes des collines, face au crépuscule et au canon du temps, près des jardins aux ombres brisées, nous faisons ce que font les prisonniers, ce que font les chômeurs : Nous cultivons l'espoir »...

Darwich avait acquis une notoriété internationale, avec près de trente ouvrages traduits en quarante langues.
Son célèbre poème de 1964, Identité, sur le thème d'un formulaire israélien obligatoire à remplir, est devenu un hymne repris dans tout le monde arabe, déchaînant les sentiments de fierté et d'enthousiasme des Palestiniens :

Identité

 

Inscris !

Je suis Arabe

Le numéro de ma carte : cinquante mille

Nombre d'enfants : huit

Et le neuvième... arrivera après l'été !

Et te voilà furieux !

 

 

Inscris !

Je suis Arabe

Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine

Et j'ai huit bambins

Leur galette de pain

Les vêtements, leur cahier d'écolier

Je les tire des rochers...

Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte

Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais

Et te voilà furieux !

 

 

Inscris !

Je suis Arabe

Sans nom de famille - je suis mon prénom

« Patient infiniment » dans un pays où tous

Vivent sur les braises de la Colère

Mes racines...

Avant la naissance du temps elles prirent pied

Avant l'effusion de la durée

Avant le cyprès et l'olivier

...avant l'éclosion de l'herbe

Mon père... est d'une famille de laboureurs

N'a rien avec messieurs les notables

Mon grand-père était paysan - être

Sans valeur - ni ascendance.

Ma maison, une hutte de gardien

En troncs et en roseaux

Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?

Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

 

 

Inscris !

Je suis Arabe

Mes cheveux... couleur du charbon

Mes yeux... couleur de café

Signes particuliers :

Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré

Et ma paume est dure comme une pierre

...elle écorche celui qui la serre

La nourriture que je préfère c'est

L'huile d'olive et le thym

 

 

Mon adresse :

Je suis d'un village isolé...

Où les rues n'ont plus de noms

Et tous les hommes... à la carrière comme au champ

Aiment bien le communisme

Inscris !

Je suis Arabe

Et te voilà furieux !

 

 

Inscris

Que je suis Arabe

Que tu as rafflé les vignes de mes pères

Et la terre que je cultivais

Moi et mes enfants ensemble

Tu nous as tout pris hormis

Pour la survie de mes petits-fils

Les rochers que voici

Mais votre gouvernement va les saisir aussi

...à ce que l'on dit !

 

 

DONC

 

 

Inscris !

En tête du premier feuillet

Que je n'ai pas de haine pour les hommes

Que je n'assaille personne mais que

Si j'ai faim

Je mange la chair de mon Usurpateur

Gare ! Gare ! Gare

À ma fureur !





Le 28 avril 1988, quatre mois après le déclenchement de la première Intifada

(« Révolution des pierres »), dans les territoires occupés, le premier ministre d'Israël, Ytzhak Shamir, montait à la tribune de la Knesset pour dénoncer un poème compris comme un appel pour « mettre les Juifs à la mer ». 

Mahmoud Darwich s'expliqua dans la presse israélienne. Il ne s'agissait pas de détruire Israël, mais de sommer les Israéliens d'évacuer les Territoires occupés et de permettre aux Palestiniens de se constituer un État.

 

Passants parmi les paroles passagères (extraits)

 

1.

Vous qui passez parmi les paroles passagères

portez vos noms et partez

Retirez vos heures de notre temps, partez

Extorquez ce que vous voulez

du bleu du ciel et du sable de la mémoire

Prenez les photos que vous voulez, pour savoir

que vous ne saurez pas

comment les pierres de notre terre

bâtissent le toit du ciel

 

2.

Vous qui passez parmi les paroles passagères

Vous fournissez l'épée, nous fournissons le sang

vous fournissez l'acier et le feu, nous fournissons la chair

vous fournissez un autre char, nous fournissons les pierres

vous fournissez la bombe lacrymogène, nous fournissons la pluie

Mais le ciel et l'air

sont les mêmes pour vous et pour nous

Alors prenez votre lot de notre sang, et partez

allez dîner, festoyer et danser, puis partez

A nous de garder les roses des martyrs

à nous de vivre comme nous le voulons.

 

3.

Vous qui passez parmi les paroles passagères

comme la poussière amère, passez où vous voulez

mais ne passez pas parmi nous comme les insectes volants

Nous avons à faire dans notre terre

nous avons à cultiver le blé

à l'abreuver de la rosée de nos corps

Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici

pierres et perdrix

Alors, portez le passé, si vous le voulez

au marché des antiquités

et restituez le squelette à la huppe

sur un plateau de porcelaine

Nous avons ce qui ne vous agrée pas

nous avons l'avenir

et nous avons à faire dans notre pays

 

4.

Vous qui passez parmi les paroles passagères

entassez vos illusions dans une fosse abandonnée, et partez

rendez les aiguilles du temps à la légitimité du veau d'or

ou au battement musical du revolver

Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici, partez

Nous avons ce qui n'est pas à vous :

une patrie qui saigne, un peuple qui saigne

une patrie utile à l'oubli et au souvenir

 

5.

Vous qui passez parmi les paroles passagères

il est temps que vous partiez

et que vous vous fixiez où bon vous semble

mais ne vous fixez pas parmi nous

Il est temps que vous partiez

que vous mouriez où bon vous semble

mais ne mourez pas parmi nous

Nous avons à faire dans notre terre

ici, nous avons le passé

la voix inaugurale de la vie

et nous y avons le présent, le présent et l'avenir

nous y avons l'ici-bas et l'au-delà

Alors, sortez de notre terre

de notre terre ferme, de notre mer

de notre blé, de notre sel, de notre blessure

de toute chose, sortez

des souvenirs de la mémoire

ô vous qui passez parmi les paroles passagères



15/02/2009

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