Vladimir Vissotski, "Le vol arrêté"
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Quelqu'un a remarqué un fruit pas mûr
On a secoué l'arbre, et le fruit est tombé.
Voilà la chanson de celui qui n'a pas chanté
Et qui n'a pas su qu'il avait une voix.
Peut-être que son destin n'a pas marché,
Et qu'il a loupé sa chanson
Et que la corde de sa guitare était mal tendue.
Il a commencé timidement par un « do »
Mais il n'a pas pu tenir la note...
Son accord n'a pas résonné
Et il n'a inspiré personne
Le chien aboyait,
Le chat attrapait des souris...
C'est drôle, pas vrai, c'est drôle ! Drôle !
Et lui, il blaguait, mais ses blagues tournaient court.
Il n'a pas vraiment goûté le vin
Ni même trempé vraiment ses lèvres.
Il ne faisait qu'engager des disputes
Sans assurance, sans se hâter,
Comme des gouttelettes de sueur s'échappent des pores
Son âme sourdait sous sa peau.
Il avait juste commencé le duel au tapis
Il avait eu à peine le temps de débuter.
Il avait tout juste pu s'orienter dans le jeu
Et l'arbitre n'avait pas eu le temps d'ouvrir le compte.
Il voulait tout savoir de A à Z
Mais il n'a pas vraiment atteint
Ni le savoir, ni le fond
Il n'a pas creusé jusqu'aux abysses
Et celle qui fut l'unique
Il n'a pas su vraiment l'aimer.
C'est drôle, pas vrai, c'est drôle ! C'est drôle !
Il se hâtait, mais pas encore assez
Et tout ce qu'il n'a pas résolu
Il l'a laissé irrésolu.
Je ne mens pas d'un iota, d'un iota.
Il était le serviteur du style pur.
Il lui écrivait des vers sur la neige,
Hélas, les neiges fondent.
Mais alors la neige tombait encore
Et on était libre d'écrire sur la neige.
Il saisissait de ses lèvres en pleine course
De gros flocons et des grêlons.
Mais dans un carrosse d'argent
Il n'est pas arrivé jusqu'à elle
Le fuyard, l'évadé, l'évadé n'a pas atteint son but.
Il n'a pas réussi son vol, sa cavalcade
Et son signe zodiacal, le Taureau
Lapait la froide voie lactée
C'est drôle, pas vrai, c'est drôle !
Quand il manque juste quelques secondes
Un maillon manquant,
Un vol arrêté.
C'est drôle, pas vrai ? Eh bien voilà
Ça vous semble drôle, et même à moi.
Le cheval en plein galop ; l'oiseau en plein vol
À qui la faute ?
La version française : La fin du bal chantée par Vladimir Vissotski
La fin du bal
Comme le fruit tombé sans avoir pu mûrir,
Comme l'homme qui sait en se voyant mourir,
Qu'il n'aura plus jamais de temps.
Un jour de pluie il aurait dû chanter,
Faute au destin faute à la chance,
Faute à ces cordes qui s'étaient cassées,
Son chant s'appellera silence.
Il peut toujours le commencer,
Nul ne viendra jamais danser,
Nul ne le reprendra en choeur.
Il n'aura jamais rien fini,
A part cette blessure au coeur,
Et cette vie.
Pourquoi, j'voudrais savoir pourquoi, pourquoi,
Elle vient trop tôt la fin du bal.
C'est les oiseaux, jamais les balles
Qu'on arrête en plein vol.
Comme ces disputes commencées le soir,
Faute à la nuit, faute à l'alcool,
Et dont il ne restera rien, plus tard,
Que quelques mégots sur le sol.
Il aurait tant voulu frapper, pourtant,
Faute au couteau, faute à la peur,
Il n'aura fait aucun combat au sang.
Juste le temps d'un peu de sueur,
Lui qu'aurait voulu tout savoir,
Il n'aura même pas pu tout voir.
Lui qui avait la mort au corps,
Pour la seule qu'il aurait gardée,
Il a rendu sa barque au pauvre,
Sans l'embrasser sans la toucher.
Juste y penser,
Jusqu'à la mort.
Pourquoi, j'voudrais savoir pourquoi, pourquoi,
Elle vient trop tôt la fin du bal .
C'est les oiseaux, jamais les balles
Qu'on arrête en plein vol.
Il écrivait comme on se sauve d'un piège,
Faute au soleil, faute aux tourments.
Mais comme il prenait pour papier la neige,
Ses idées fondaient au printemps.
Et quand la neige recouvrait sa page,
Faute aux frimas, faute à l'hiver,
Au lieu d'écrire il essayait courage,
D'attraper les flocons en l'air.
Mais aujourd'hui il est trop tard,
Il n'aura pas pris le départ,
Et son souvenir ne sera
Que la chanson d'avant la lutte,
Et l'évadé qui n'aura pas atteint son but.
Pourquoi, j'voudrais savoir pourquoi, pourquoi
Elle vient trop tôt la fin du bal.
C'est les oiseaux, jamais les balles
qu'on arrête en plein vol.
C'est les oiseaux, jamais les balles
Qu'on arrête en plein vol.
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