La Tchécoslovaquie au temps des démocraties populaires
L'Assemblée tchécoslovaque issue des élections de mai 1946 confirme Edouard Benes à la présidence de la République (18 juin 1946). Les communistes obtiennent 38% des voix et deviennent le premier parti du pays. Benes constitue donc un gouvernement de coalition, présidé par le communiste Gottwald. L'URSS oppose son veto à l'adhésion de la Tchécoslovaquie au plan Marshall en juin 1947. Cela ébranle l'union établie à la libération du pays par l'armée rouge. La police est noyautée par des communistes qui provoquent la démission de onze ministres, taxés de "bourgeois", le 20 février 1948. Le parti communiste organise ensuite d'immenses manifestations et procède à de nombreuses arrestations, afin de former un nouveau gouvernement composé seulement de communistes pro-soviétiques et de sympathisants. Après ce coup de force communiste, Benes n'est plus qu'un otage et il refuse de signer la nouvelle constitution de mai 1948. Il donne sa démission en juin 1948 et meurt trois mois plus tard. La Tchécoslovaquie fait désormais partie du Bloc de l'Est.
Dans le reportage des Actualités Françaises (INA Jalons), les images sont manifestement filmées par les équipes tchécoslovaques : elles montrent la foule de façon grandiose, à travers des panoramas en plongée, des plans fixes et quelques plans rapprochés enthousiastes. La sortie des usines est également filmée de manière à mettre en valeur la détermination des ouvriers. La vue en contre-plongée sur les ouvriers portant le drapeau rouge est également très représentative de la volonté de propagande de ces images : c'est la puissance populaire qui s'exprime dans ce plan, suivi dans un montage rapide et efficace de plongées sur la foule et d'un vaste panorama. Les plans rapprochés sur les drapeaux et sur les manifestants qui crient, entrecoupés de vues générales sur la foule sont caractéristiques de la façon de filmer des manifestations officielles. Ce qui est intéressant, c'est que le commentaire en voix off tente de donner à ces images de propagande un sens différent - à savoir un point de vue décalé, voire une critique, de ce coup de Prague. Le commentaire est, de façon discrète, engagé contre la politique communiste de Gottwald, et empli de compassion pour Benes.
Les conséquences du putsch communiste du 25 février 1948 furent tragiques : 241 personnes exécutées suites aux procès politiques, entre 8000 et 10 000 morts dans des prisons, des camps de travaux, à la frontière lors des tentatives de fuite …
Lien : Fiche Hérodote sur le "coup de Prague"
A la fin des années 40, peu de temps après la prise de pouvoir par les communistes, commence, en Tchécoslovaquie, une vague brutale de grands procès. Les procès des années 49-52 sonnent comme une répétition de ceux des années 30 en URSS, sauf qu'ils se déroulent cette fois-ci à l'échelle du bloc soviétique. Certains historiens ont expliqué cette deuxième vague de procès par la volonté du Kremlin de lancer une grande mobilisation idéologique afin de masquer les carences économiques et d'anticiper toute routine qui favoriserait l'expression des mécontentements. D'autres y voient les effets de la paranoïa grandissante d'un Staline vieillissant et malade. C'est peut-être sous cet angle que l'on peut, en partie, expliquer le retour d'un antisémitisme d'Etat. Car celui-ci est bel et bien au coeur des procès politiques qui se déroulent en Tchécoslovaquie et ailleurs.
À Prague, en 1951, un haut responsable politique tchécoslovaque se retrouve accusé d'espionnage au profit des Etats-Unis. Tout est fait pour lui extorquer des aveux de crimes qu'il n'a pas commis. Brisé par la torture (on l'empêche de dormir et de s'arrêter de marcher), il finit par avouer au tribunal des crimes qu'il n'a pas commis en récitant un texte d'aveux que ses bourreaux lui ont fait apprendre par cœur. Un film de Costa-Gavras, réalisé en 1971, d'après le livre d'Artur London, qui fut nommé en 1949, vice-ministre des Affaires étrangères de Tchécoslovaquie, puis arrêté en 1951. London, d'origine juive, fut l'un des quatorze accusés du procès de Prague en 1952, à qui l'on arracha des aveux de « conspiration contre l'État » qui se révélèrent plus tard fabriqués. Onze condamnations à mort par pendaison, trois à perpétuité, dont Artur London. Artur London a été réhabilité en 1956.
Un entretien de Radio Praha avec Lise London à lire ou à écouter ici
En août 1968, près de 300 000 soldats du Pacte de Varsovie entrent en Tchécoslovaquie pour mettre un terme au Printemps de Prague, initié par le secrétaire général du Parti communiste, Alexander Dubcek, qui, arrivé au pouvoir en janvier 1968, a voulu établir un « socialisme à visage humain » : abolition de la censure, autorisation des voyages à l'étranger... Les espoirs suscités par plusieurs mois de réformes démocratiques s'effondrent alors en quelques jours.
pour protester contre l'invasion des Soviétiques, le 21 août 1968.
(Photo : AFP)
Jan Palach, étudiant qui s'immola
pour protester contre l'occupation soviétique
de la Tchécoslovaquie
Le 16 janvier 1969, à Prague, un étudiant à la Faculté des Lettres de l'Université Charles, Jan Palach, s'est immolé par le feu, pour protester contre l'occupation de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie. Les médecins n'ont pas réussi à sauver Jan Palach qui est mort 3 jours plus tard, le 19 janvier 1969.
Jan Palach
Le jour de ses obsèques à Prague, le samedi 25 janvier, une foule immense se masse tout le long du parcours du cortège funèbre. Tout le monde porte à la boutonnière un petit ruban aux couleurs nationales bordé de noir. La tombe de Jan Palach, au cimetière d'Olsany, portant sa dépouille mortelle, est devenue un lieu de pèlerinage. Pour l'empêcher, le corps de Jan Palach est exhumé en 1973 pour être incinéré et déposé dans le caveau de famille à Vsetaty. En 1990, après la "Révolution de velours", à laquelle, la semaine de Jan Palach, en janvier 89, a donné le départ, sa dépouille a pu retourner au cimetière d'Olsany.
Entre janvier 69 et janvier 89, des dissidents, des citoyens courageux et des opposants à la dictature se réunissaient chaque année, le 19 janvier, sur la place Venceslas, pour commémorer l'acte de Jan Palach. Le sacrifice de Jan Palach n'est pas resté isolé. Quelques semaines après, le 25 février, une seconde torche vivante flambait sur la place Venceslas. Jan Zajic, âgé de 18 ans, étudiant dans une école professionnelle de cheminots, avait laissé ce message : « Nous ne pouvons vivre si nous ne pouvons le faire dans la liberté. Notre décision en faveur de la liberté est absolue ».
La Charte 77
La Charte 77 est la principale expression du mouvement de dissidence en Tchécoslovaquie au cours de la période dite de « normalisation », instaurée après l'occupation soviétique de 1968. Face au régime normalisateur de Gustav Husak, la Charte 77 représentait la conscience démocratique et libre de la nation et une opposition permanente aux pratiques totalitaires. Les « Chartistes » ont constitué une initiative civique active de 1976 à 1992. La déclaration de la Charte 77, signée le 1er janvier 1977 par, entre autres, Václav Havel, Jan Patočka, Ludvík Vaculík, Zdeněk Mlynář ou Pavel Kohout, invitait le gouvernement tchécoslovaque à respecter les droits de l'Homme conformément à la Constitution tchécoslovaque et aux engagements découlant de l'acte final de la conférence d'Helsinki de 1975. La Charte 77 a contribué de manière importante à la chute du régime communiste lors de la « Révolution de velours » en 1989.
Václav Havel
Philosophe
tchèque. Il enseigne à la Faculté des Lettres jusqu'en 1949, avant
d'être expulsé lors des purges de l'université. Il travaille alors dans
diverses institutions philosophiques plus ou moins marginales, avant
de retourner à la Faculté, en 1968. Il en est à nouveau expulsé en
1971. En 1977, il signe la Charte 77 et devient, avec J. Hájek et V.
Havel, l'un de ses premiers porte-paroles. Il meurt d'une hémorragie
cérébrale quelques mois plus tard, à la suite de nombreux
interrogatoires subis par la police d'Etat. Sa mort n'apaise pas le
régime, qui interdit l'office que sa famille veut faire dire à son
intention, fait arrêter certains de ses amis jusqu'au cimetière où on
le porte en terre et recommande aux fleuristes pragois de ne pas ouvrir
leurs portes le jour des obsèques. Ses dernières paroles, quelques
jours avant qu'il se taise pour toujours :
Liens :
Huit des plus célèbres photos de Josef Koudelka (Agence Magnum) sur le Printemps de Prague
Une chanson, "Casse-têtes", interprétée par Yves Montand qui rend notamment hommage à Jan Patočka :
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