Dossier "Les Etats de l'ex-Yougoslavie"
La Yougoslavie, État créé en 1918 pour rassembler les « Slaves du Sud » (Yougoslaves), constituait une mosaïque de peuples. Slovènes et Croates sont des Slaves catholiques, qui ont vécu dans l'Empire austro-hongrois jusqu'en 1918. Serbes, Monténégrins et Macédoniens sont des Slaves orthodoxes, dont l'histoire est celle de la lutte contre l'Empire ottoman. Quant aux « Musulmans », ils étaient reconnus depuis 1968 comme une nationalité de la Yougoslavie : il s'agit des populations slaves de Bosnie converties à l'islam sous l'Empire ottoman. Enfin, dans deux régions autonomes placées sous la souveraineté de la Serbie, vivaient des populations non slaves : Hongrois en Voïvodine, Albanais au Kosovo.
En 1946, le maréchal Tito avait réorganisé la Yougoslavie en un État fédéral constitué de six républiques et deux régions autonomes mais elle restait une construction fragile. Son seul ciment était le régime dictatorial de Tito. Cette construction n'a pas survécu à la mort de Tito (1980) puis à la chute du communisme (1989).
Les dirigeants communistes se sont maintenus au pouvoir en attisant les nationalismes qui avaient été « domestiqués » par Tito. Slobodan Milosevic, président de la Serbie, supprime en 1989 l'autonomie dont jouissait la population albanaise du Kosovo, ce qui provoque de graves émeutes. En 1991, quand la Slovénie et la Croatie proclament leur indépendance, la Serbie déclenche la guerre. Elle entend protéger les Serbes de Croatie, qui vivent dans le souvenir des massacres perpétrés en 1941-1943 par l'État fasciste croate. En 1992, la Bosnie-Herzégovine proclame à son tour son indépendance et la guerre s'étend à cette république, surtout entre les Serbes et les « Musulmans ». L'Europe revit alors des scènes d'horreur : bombardement des populations civiles, notamment à Sarajevo, camps de concentration et « purification ethnique ».
Face à ces événements, l'Union européenne n'a pas de diplomatie commune. L'Allemagne reconnaît unilatéralement l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, tandis que la France soutient encore la Serbie, son allié historique. En 1992, l'ONU envoie des casques bleus en Croatie puis en Bosnie, mais ils ne parviennent pas à empêcher les massacres. Il faut l'intervention de l'OTAN en 1994 en Bosnie pour que les États-Unis imposent la paix. Les accords de Dayton créent en 1995 deux entités au sein de la Bosnie-Herzégovine : la République serbe de Bosnie et la Fédération croato-musulmane.
Mais la guerre reprend en 1997 au Kosovo entre l'armée serbe et la population albanaise. La diplomatie européenne ne parvient pas à régler la crise. C'est de nouveau l'OTAN, à l'initiative des États-Unis, qui intervient en 1999, sans autorisation de l'ONU. La Serbie est bombardée, pour la contraindre à cesser la répression. Le Kosovo est ensuite placé sous administration de l'ONU. Il proclame son indépendance en 2008, malgré l'opposition de la Serbie.
L'ex-Yougoslavie est aujourd'hui composée de sept États, dans lesquels la démocratie s'est installée. L'un d'entre eux, la Slovénie, est déjà membre de l'OTAN et de l'Union européenne. Certains criminels de guerre ont été jugés par le TPIY (Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, créé par l'ONU en 1993 et installé à la Haye). Mais la paix reste difficile à construire entre des communautés qui se sont entretuées.
« A quelques centaines de kilomètres d'ici sévit une guerre terrifiante et insensée que nous tous, embarrassés, observons en silence dans l'attente du résultat. Qui sera vainqueur, les Serbes ou les autres ? Et nous oublions complètement que cette guerre n'est pas uniquement celle des Serbes contre les autres, mais une guerre où il va de notre avenir. En effet, elle est menée par ceux pour qui l'altérité tribale est la valeur suprême contre ceux qui défendent des valeurs plus élevées que le hasard des liens du sang. C'est une guerre menée contre nous tous, contre les droits de l'homme, contre la coexistence d'hommes d'origine ou de confession différentes, une guerre contre le principe civique, une guerre de ce qui nous sépare contre tout ce qui nous lie. Oui, en Bosnie une guerre est menée contre une coexistence humaine épanouie, fondée sur l'universalité des droits de l'homme, émanant de l'universalité de l'ancienne expérience humaine en relation avec l'univers. C'est l'attaque du passé le plus obscur contre un avenir correct. L'attaque du mal contre l'ordre moral.
Le Conseil de l'Europe ne peut pas mettre fin à cette guerre. Mais les États qu'il regroupe en ont la force. Les obligations du Conseil de l'Europe comme créateur et gardien des valeurs européennes et universelles est de mettre en lumière cette guerre et de l'appeler par son vrai nom. Dire clairement que c'est une guerre contre toutes les valeurs que le Conseil de l'Europe énonce dans ses documents, valeurs dont il prend soin, qu'il essaie de cultiver et de préserver.
L'Europe – comme l'ensemble du monde contemporain – se trouve à un grand carrefour historique. Ou bien elle réussira à trouver une responsabilité nouvelle, issue de l'expérience spirituelle universelle de l'homme et respectant le message moral que nous adresse cette expérience, ou bien elle commettra la même erreur fatale qu'elle a déjà tragiquement payée à deux reprises ou cours de ce siècle, à savoir fermer les yeux devant l'émergence du mal du nationalisme, mal qui, comme tout autre mal, est de nature contagieuse.
Permettez-moi d'exprimer, en conclusion, l'espoir tenace que la raison humaine, la décence, la solidarité et la volonté de compréhension et de coexistence correcte l'emporteront sur tout ce qui les menace. […] »
Le dessous des cartes "Des nouvelles des Balkans", diffusé le 08 novembre 2003
Le dernier État né de l'éclatement de la Yougoslavie, le Kossovo qui après avoir vécu dans un statut juridique imprécis depuis la fin de la guerre en 1999, s'est proclamé indépendant le 17 février 2008.
Pour mieux comprendre les enjeux multiples qui se cachent derrière l'indépendance des Kosovars, regardez ce "Dessous des cartes" qui a été diffusé le 24 mai 2008 :
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