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Vladimir Vissotski, "Le vol arrêté"

"Vladimir Vissotski est mort le 25 juillet 1980. mais sa voix continue à fouiller notre âme, et pose des questions, auxquelles nous devons trouver des réponses. [...] Il est passé parmi nous comme un météore, mais il a laissé une somme énorme d'informations sur son époque, il a tout pressenti, vécu, souffert, et retransmis, par son art. [...] Il peut hurler comme un loup blessé, puis chanter l'amour avec douceur et tendresse, crier son indignation, sa colère, son désespoir en s'arrachant la glotte, ou passer du ton gouailleur des faubourgs au lyrisme le plus pur. Ceux qui l'ont entendu chanter, qui l'ont vu jouer ne peuvent oublier l'émotion ressentie. Il est là, et il chante au présent !" Marina Vlady (présentation de l'album Le vol arrêté)



Le site russie.net consacré à Vladimir Vissotski


Le vol arrêté


Quelqu'un a remarqué un fruit pas mûr

On a secoué l'arbre, et le fruit est tombé.

Voilà la chanson de celui qui n'a pas chanté

Et qui n'a pas su qu'il avait une voix.

Peut-être que son destin n'a pas marché,

Et qu'il a loupé sa chanson

Et que la corde de sa guitare était mal tendue.

Il a commencé timidement par un « do »

Mais il n'a pas pu tenir la note...

Son accord n'a pas résonné

Et il n'a inspiré personne

Le chien aboyait,

 Le chat attrapait des souris...

C'est drôle, pas vrai, c'est drôle ! Drôle !

Et lui, il blaguait, mais ses blagues tournaient court.

Il n'a pas vraiment goûté le vin

Ni même trempé vraiment ses lèvres.

Il ne faisait qu'engager des disputes

Sans assurance, sans se hâter,

Comme des gouttelettes de sueur s'échappent des pores

Son âme sourdait sous sa peau.

Il avait juste commencé le duel au tapis

Il avait eu à peine le temps de débuter.

Il avait tout juste pu s'orienter dans le jeu

Et l'arbitre n'avait pas eu le temps d'ouvrir le compte.

Il voulait tout savoir de A à Z

Mais il n'a pas vraiment atteint

Ni le savoir, ni le fond

Il n'a pas creusé jusqu'aux abysses

Et celle qui fut l'unique

Il n'a pas su vraiment l'aimer.

C'est drôle, pas vrai, c'est drôle ! C'est drôle !

Il se hâtait, mais pas encore assez

Et tout ce qu'il n'a pas résolu

Il l'a laissé irrésolu.

Je ne mens pas d'un iota, d'un iota.

Il était le serviteur du style pur.

Il lui écrivait des vers sur la neige,

Hélas, les neiges fondent.

Mais alors la neige tombait encore

Et on était libre d'écrire sur la neige.

Il saisissait de ses lèvres en pleine course

De gros flocons et des grêlons.

Mais dans un carrosse d'argent

Il n'est pas arrivé jusqu'à elle

Le fuyard, l'évadé, l'évadé n'a pas atteint son but.

Il n'a pas réussi son vol, sa cavalcade

Et son signe zodiacal, le Taureau

Lapait la froide voie lactée

C'est drôle, pas vrai, c'est drôle !

Quand il manque juste quelques secondes

Un maillon manquant,

Un vol arrêté.

C'est drôle, pas vrai ? Eh bien voilà

Ça vous semble drôle, et même à moi.

Le cheval en plein galop ; l'oiseau en plein vol

À qui la faute ?


La version française : La fin du bal chantée par Vladimir Vissotski




   La fin du bal

Comme le fruit tombé sans avoir pu mûrir,

La faute à l'homme, la faute au vent,
Comme l'homme qui sait en se voyant mourir,
Qu'il n'aura plus jamais de temps.
Un jour de pluie il aurait dû chanter,
Faute au destin faute à la chance,
Faute à ces cordes qui s'étaient cassées,
Son chant s'appellera silence.
Il peut toujours le commencer,
Nul ne viendra jamais danser,
Nul ne le reprendra en choeur.
Il n'aura jamais rien fini,
A part cette blessure au coeur,
Et cette vie.

Pourquoi, j'voudrais savoir pourquoi, pourquoi,
Elle vient trop tôt la fin du bal.
C'est les oiseaux, jamais les balles
Qu'on arrête en plein vol.

Comme ces disputes commencées le soir,
Faute à la nuit, faute à l'alcool,
Et dont il ne restera rien, plus tard,
Que quelques mégots sur le sol.
Il aurait tant voulu frapper, pourtant,
Faute au couteau, faute à la peur,
Il n'aura fait aucun combat au sang.
Juste le temps d'un peu de sueur,
Lui qu'aurait voulu tout savoir,
Il n'aura même pas pu tout voir.
Lui qui avait la mort au corps,
Pour la seule qu'il aurait gardée,
Il a rendu sa barque au pauvre,
Sans l'embrasser sans la toucher.
Juste y penser,
Jusqu'à la mort.

Pourquoi, j'voudrais savoir pourquoi, pourquoi,
Elle vient trop tôt la fin du bal .
C'est les oiseaux, jamais les balles
Qu'on arrête en plein vol.

Il écrivait comme on se sauve d'un piège,
Faute au soleil, faute aux tourments.
Mais comme il prenait pour papier la neige,
Ses idées fondaient au printemps.
Et quand la neige recouvrait sa page,
Faute aux frimas, faute à l'hiver,
Au lieu d'écrire il essayait courage,
D'attraper les flocons en l'air.
Mais aujourd'hui il est trop tard,
Il n'aura pas pris le départ,
Et son souvenir ne sera
Que la chanson d'avant la lutte,
Et l'évadé qui n'aura pas atteint son but.

Pourquoi, j'voudrais savoir pourquoi, pourquoi
Elle vient trop tôt la fin du bal.
C'est les oiseaux, jamais les balles
qu'on arrête en plein vol.
C'est les oiseaux, jamais les balles
Qu'on arrête en plein vol.


Au lendemain de la disparition de Vladimir Vissotski, le 25 juillet 1980, plus d'un million de personnes suivent le cortège funéraire à Moscou qui organise au même moment les Jeux olympiques :




30/01/2011

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