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"Tout ceci ne vous rendra pas le Congo" Baloji


Baloji, rappeur belge né en 1978 au Congo, parti avec son père en Belgique à l'âge de 4 ans, est revenu dans son pays natal, découvrir sa mère naturelle. Ce fut un vrai choc : « Le Congo est un pays à la dérive, exploité par ses voisins et qui n'a pas su passer le cap de la colonisation : rien n'a été construit là-bas depuis 1964. Imaginez l'état des villes… Le pays paie aussi bien sûr, et très lourdement, les conséquences du mobutisme. »
Dans Hotel Impala, son premier album solo, Baloji nous emmène depuis les récits de sa prime enfance au Congo à ceux de sa vie en Belgique, dans un rap métissé de soul et d'afro beat. Il se revendique  « Afropéen », un « mutant qui vit entre deux mondes ». Dans la chanson Tout ceci ne vous rendra pas le Congo, il dénonce le néocolonialisme, la violence qui ravage l'Afrique :


Baloji- Tout Ceci Ne Vous Rendra Pas Le Congo...


J'ai beau fermer les yeux, j'ai encore ces visions

De corps avachis sur le sol de la route de la perdition

Et j'ai hurlé comme après ma circoncision

Je suis entouré de fantômes ou est-ce la mort qui fait apparition ?

 

J'en ai pissé dans mon lit, sommeil interrompu

J'ai du mal à en parler à bâtons rompus

 

J'étais pris de crampes, un talon sur la tempe

A implorer que les enfants décampent

Ils ont voulu nous humilier à travers notre descendance

Que les ovaires de nos femmes soient souillés de leurs semences

 

Depuis ce jour je dis que notre famille est maudite

La mort gravite autour de nous et je le sens

 

Après les pillages, je suis retourné au village

J'ai abandonné Lucienne, les enfants et mon pays d'ancrage

Prétextant que l'armée chassait les Kasaïens

Mais ce que j'ai fui, m'a rattrapé par un autre moyen

Preuve en est, même si le pays est divisé

Mon fils aîné de 13 ans est rentré dans une de leurs unités

 

Au pays de la devise et de la débrouillardise

On n'a pas attendu ebay pour faire du troc

Je passe du chantier à la cuisine, du ciment au manioc

Faut investir dans l'avenir comme dit le Front Commun

 

Je répare un camion pour faire dans les transports en commun

Je viendrai chez vous dès que mes papiers seront fixés

T-shirt à l'effigie de Lumumba et leur faire oublier le Che

 

Je rêve de jouer au loto, boire de cette bière

Du temps de l'Union Minière et du MPR

Visiter votre Matongé, chaussée d'Ixelles

Donne-moi de tes nouvelles par téléphone ou par mail

Que Dieu te garde tu restes dans mes prières, je t'embrasse

 

Ça ne vous rendra pas le Congo

 

J'ai reçu ta lettre, fin juin, enfin

Elle m'a laissé mal en point, mais néanmoins

Je n'ai cessé d'en relire chaque mot, chaque phrase

Chaque nom, chaque détail, chaque photo, chaque visage

 

Est-ce un mirage, une illusion, un hologramme ?

Où est-ce la raison qui a rendu l'âme ?

La terreur vue d'ici c'est comme la terre vue du ciel

Ça paraît loin de nous, ça paraît irréel

 

Quand je pense à quitter Kin, et les tiens

Qui chassent notre ethnie comme les prénoms chrétiens

Que ton fils est un assassin au regard de braise

À 13 ans trouve son assurance dans un M16

 

À 14 ans en quarantaine

Ils l'ont pris pour un sorcier car il se défonçait au kérosène

En arrivant dans l'Est, il a tué par accident

Un de ses cousins en le prenant pour un partisan

 

Putain ! L'horreur est humaine, et l'on s'extermine

Il voulait être un sauveur, pas un soldat anonyme

 

Refrain

 

Même si l'Occident a bon dos

Ça ne vous rendra pas le Congo

Le pillage de nos minéraux, de nos lingots

Ça ne vous rendra pas le Congo

Et reproduire les schémas coloniaux

Ça ne vous rendra pas le Congo

Car la terreur vue d'ici c'est comme la Terre vue du ciel

Ça paraît loin de nous, ça paraît irréel

 

Les enfants de la Libération ne jouent pas aux Indiens

Ils voient l'Europe comme le Far West en vain et pour rien

En attendant leur chèque de la Western Union

Rêvent de dévaliser une délégation

 

Disent les pays en transition, la guerre est une escale

Pour cet idéal, place au plan Marshall

Le règne du Maréchal l'a laissé bancal

Et disent que l'Unesco n'aide que les pays cartes postales

 

Au lieu de s'affairer aux affaires courantes

Car un tiers du pays est sans courant, ni eau courante

Les guerres ethniques renforcent le statu quo

Le Congo est un terrain de stratego

Tous ses pays voisins devenus rivaux

Dans le pillage de ses minéraux, de ses lingots

 

Et ça dégringole, le pays est sous contrôle

Et c'est pire qu'au temps de Léopold

Entre la loi de la jungle et celle des protocoles

La révolution a besoin de bénévoles

Et tant que l'opinion publique abdique

Le Congolais reste le nègre de l'Afrique

 

Refrain

 

Même si l'Occident a bon dos

Ça ne vous rendra pas le Congo

Le pillage de nos minéraux, de nos lingots

Ça ne vous rendra pas le Congo

Et reproduire les schémas coloniaux

Ça ne vous rendra pas le Congo

 

Congolais à part entière, tous apparentés

Laissons nos différends à part, on a un pays à remonter

 

Pendant que les virus se donnent comme des prospectus

Les nouveaux missionnaires font de leur Emmaüs

Des petites, moyennes entreprises

Qui ne connaissent pas la crise

 

La crédulité des gens en guise de budget

Ils investissent où s'arrêtent les O.N.G.

Et j'admire ton courage, ton sens de la débrouille

Ton coeur est trempé dans le zinc, il résiste à la rouille

 

Mais cesse de croire à leurs séances d'exorcisme

Ils n'ont pas de cure contre le paludisme

Moi, je suis un géant chez les pygmées

Depuis que ma carte verte est périmée, le noir fait déprimer

 

La dépigmentation de la peau laisse des séquelles

Et le choc est culturel

Notre développement est à l'arrêt comme la Gécamine

Complexés par notre taux de mélanine

L'intégration passera par l'argent

Mais la détermination est le facteur déterminant

 

Refrain

 

Même si l'Occident a bon dos

Ça ne vous rendra pas le Congo

Le pillage de nos minéraux, de nos lingots

Ça ne vous rendra pas le Congo

Et reproduire les schémas coloniaux

Ça ne vous rendra pas le Congo

Car la terreur vue d'ici c'est comme la Terre vue du ciel

Ça paraît loin de nous, ça paraît irréel

 

Avant de filer à la Congolaise

Je voulais revenir à la genèse 

 

Congolais du Sud, du Nord, de l'Est, de l'Ouest

Tous Congolais à part entière donc tous apparentés

Laissons nos différends à part, on a un pays à reconstruire

 

Le changement donne le vertige

Mains qui donnent, mains qui dirigent

Évolués mais dépendants

Main qui donne main qui apprend

 

Les frères se déchirent pour des billets à l'effigie de Lincoln

Toujours le même cancer qui ronge sur le tropique du capricorne

C'est le règne du veau d'or

Les frères noient leur esprit dans la spiritueuse

Ils croient en Dieu avant de croire en eux

 

Preaching de Dieudonné Kabongo :

 

« Écoute moi, écoute moi bien mon petit.

Tu sais pourquoi, sais-tu pourquoi muanami ?

Un jour des bwanas sont arrivés par bateaux.

Ils en sont descendus, ils avaient un drapeau.

 

Ils l'ont planté devant nous en criant

que notre terre était désormais leur terre.

On avait beau rouspéter en criant et en priant,

On n'avait pas de drapeau donc fallait se taire.

 

Et comme on priait. Comme on priait

Ils ont sorti une Bible.

Ils nous ont appris à prier les yeux fermés

Et quand on a rouvert les yeux, nous avions leur Bible en main

Et dans leurs mains, ils avaient notre terre.

 

Va falloir jeter un coup d'oeil sur Mama Congo

Va falloir redorer son blason de Terre promise

Va falloir reprendre notre terre, même en gardant la Bible

Car celle-ci nous apprend l'amour du prochain,

 

Aimer le Congo, c'est bien être capable d'aimer le Congolais.

 Faire du bonheur de l'autre, la priorité de notre propre bonheur.

Mama Congo, Mama Congo ne tombera pas,

À cause de toi, à cause de moi, à cause de nous »



13/03/2012
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