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Que prouve la prise de vues ? par François Niney

Y a-t-il vraiment une preuve par l'image, ou plus précisément par la prise de vues, comme tendent à le faire croire "l'objectif" photographique et les médias audiovisuels ?
Les photographies, les documents filmés, les reportages TV  reproduisent-ils " sur le vif " l'évidence du "réel tel quel" ?
Constituent-ils la preuve "en soi" de la situation ou du phénomène qu'on nous dit qu'ils attestent ?

Que nous donnent-ils effectivement à voir et à comprendre ?

Ces "documents" visuels se passent-ils d'interprétation, ou celle-ci nous est-elle fournie en sous-main comme une soi-disant évidence émanant du "film de l'événement" ?

"Je ne crois que ce que je vois" : cette formule sceptique du rationalisme contre la superstition semble, à l'heure de la télévision, se renverser en un nouveau credo dans les images. Les prises de vues tous azimuts propagent partout cet irrécusable témoignage des sens dominés par la vision comme une garantie de véracité ("vu à la télé"). 

Mais, pourquoi et comment croyons-nous à ces "doubles" de la réalité ? Ne sont-ils pas autant de trompe-l'œil du fait même de l'illusion complète de réalité qu'il suscite ?

Toute prise de vue ne suppose-t-elle pas découpage, cadrage, mise en scène ? N'est-elle pas extraite d'un contexte pour en disposer et transposer les empreintes ailleurs ? N'est-elle pas tirée d'une réalité diffuse et confuse, pour en produire un sens orienté et sélectif ? Quels traits discriminants président alors à sa composition ?

Enfin, à quelles conditions peut-on dire qu'une prise de vue n'est pas "juste une image" mais une image juste ?

Au plan politique comme au plan de la connaissance, toutes ces questions s'imposent avec acuité aux citoyens, aux chercheurs, aux artistes de l'après XXè siècle, parce que ce siècle a radicalement transformé notre regard désormais exposé par et à des extensions considérables, des instruments qui en étendent partout la portée, des supports qui le fixent et le multiplient, sous forme de toutes sortes d'instantanés et projections du monde.

Face à la propagande visuelle massive qui se donne pour objective, nous nous proposons d'interroger pendant trois journées la validité ou la prétention abusive de ces images du "réel" que produisent en nombre incalculable mass-médias et sciences, publicité ou divertissement. Car une image, fut-elle une prise de vue réelle, faite sur le vif, est toujours plus ou moins que la chose qu'elle représente. Elle obéit a des codes, des choix, des habitudes, des manières de voir et montrer, qui en ordonnent la composition. Une prise de vue implique forcément en amont un contexte, en aval une interprétation qui ne saurait être univoque, entre les deux une intention qui oriente son montage et sa communication. Ainsi l'objectivité qu'affichent souvent photographies ou reportages d'actualité, est loin  d'être aussi immédiate, suffisante et évidente qu'on croit. Elle demande au contraire à être construite selon des règles explicites et de façon à former un réseau de relations pertinentes.

Intervention de François Niney dans le cadre de la semaine de la presse à l'école. "L'image fait-elle preuve ?" au CRDP de Haute-Normandie le 5/02/03


26/06/2008
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