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"La Règle du jeu" de Jean Renoir, 1939



    « J'ai voulu faire un film agréable mais qui soit en même temps une critique d'une société que je considérais comme résolument pourrie. »

    Jean Renoir


    Synopsis


    L'aviateur André Jurieux a battu le record de la traversée de l'Atlantique par amour pour Christine de La Chesnaye, qui n'est pas venue l'accueillir à son arrivée au Bourget. Ami de Jurieux et de Christine, Octave fait en sorte que l'un et l'autre se revoient cependant : ce sera en Sologne, à la Colinière, le château de Christine et de son mari, Robert de La Chesnaye. La maîtresse de celui-ci, Geneviève de Maras, est également invitée, avec d'autres amis, à ce week-end de chasse pendant lequel les intrigues amoureuses se font et se défont, du côté des maîtres comme des valets. Mais cette fête est tragique : à la suite d'une méprise, Jurieux mourra, tué comme un lapin. Et sa mort ne perturbera qu'un instant l'ordre établi.


    (cliquez sur l'image pour visionner l'extrait)

    Histoire du film


    Lorsqu'il réalise La Règle du jeu en 1939, Jean Renoir a quarante-quatre ans et est en pleine possession de ses moyens. Artiste bouillonnant d'idées, il devient son propre producteur grâce au succès public de La Bête humaine. Et pourtant, lors de sa sortie en salles à la veille de la Seconde Guerre mondiale, La Règle du jeu choque et scandalise. Lors de la première, au Colisée à Paris, le public « chic » provoque une émeute alors que le public populaire de l'Aubert Palace s'en tient aux sifflets.

    Dans la presse, la critique est partagée. D'un côté, il y a ceux (minoritaires) qui n'hésitent pas à classer La Règle du jeu au rayon des « monuments du cinéma parlant français » ; et il y a les autres qui sombrent dans l'insulte inepte : « une mauvaise plaisanterie de fils à papa démagogue », ou la myopie : « un mémorable ratage comme "La Belle Équipe" de Duvivier et "Le jour se lève" de Carné »… Plus symptomatiques et plus graves, les attaques antisémites du duo Brasillach-Bardèche fustigeant Marcel Dalio, le formidable interprète du marquis de La Chesnaye : « plus juif que jamais […], d'une race qui ne chasse pas, qui n'a pas de château, pour qui la Sologne n'est rien ».

    Sorti le 7 juillet 1939, le film tient son exclusivité durant trois semaines mais est joué dans d'autres salles jusqu'à la déclaration de la guerre le 4 septembre. Ce qui l'empêche de connaître une carrière en province et à l'étranger: comme une centaine d'autres films, il est jugé  « démoralisant » et donc interdit. Une mise à l'index qui se poursuivra durant l'Occupation. Après cette sortie en forme de déroute (sa société fit faillite), Jean Renoir, écoeuré, songea à abandonner le cinéma. Démobilisé, il partit en fait pour l'Italie, afin de travailler sur une adaptation de La Tosca, puis pour les États-Unis. Il ne reviendra travailler en France qu'en 1955 pour réaliser French Cancan.


    Analyse


    « " La Règle du jeu" montre que nous étions loin d'être cette société républicaine que l'on opposait comme un modèle de liberté d'une part au fascisme et au nazisme et de l'autre au communisme. En 1939, on refusait de comprendre cet état de fait, peut être plus fortement que jamais, parce qu'on s'était illusionné sur la fin des guerres, sur notre régime politique. C'était vraiment « la grande illusion » que "La Règle du jeu" mettait à mal. Il n'y avait d'ailleurs pas qu'une grande illusion, celle de la paix ! Il y avait celle d'une société, sinon parfaite, du moins perfectible, sans conflits graves. Le film, de ce fait, a également déplu aux gens de gauche – comme les films de René Clair leur avaient déplu –, parce qu'il montrait que les classes populaires n'étaient pas exactement animées par les idées que les partis de gauche et les syndicats leur attribuaient ! Ce que souhaitaient les travailleurs, c'était éventuellement se mettre à leur compte, devenir de petits patrons ou alors ne pas travailler, aller à la pêche! Mais pas nécessairement faire de l'autogestion ou du socialisme ! »


    Marc Ferro, interview publiée dans Télescope n°70,

    mai 1994.


    Scène :
    «
    J' ai toujours rêvé d'être domestique » 


      (cliquez sur l'image pour visionner l'extrait)


      Schumacher débusque le braconnier Marceau (Julien Carette) en flagrant délit. Il veut le livrer à la police mais La Chesnaye l'en empêche ...

      - Destruction de lapins .. Mais c'est un homme précieux. Faut m'le relâcher tout de suite.

      Marceau séduit La Chesnaye qui l'engage pour détruire les lapins. Marceau a d'autres ambitions :

      Marceau : J'ai toujours rêvé d'être domestique.

      La Chesnaye : Quelle drôle d'idée ! Pourquoi ça ?

      Marceau : Á cause du costume ! Avoir un habit, c'est mon rêve !


      Étude de séquence :

      Le dîner des domestiques

       
      (cliquez sur l'image pour visionner l'extrait)


      1. Quelle est la structure de la séquence ?

      2. En quoi cette séquence est-elle à la fois étonnante et essentielle compte tenu de la situation dans l'histoire (cf. synopsis) ?

      3. En quoi la position des domestiques est-elle révélatrice d'une hiérarchie des personnages ?

      4. Quels sont les deux types de propos ? Quels sont les thèmes abordés ?

      5. Que révèle l'arrivée de Schumacher ?

      6. Á quelle tâche affecte-t-on Marceau ? Relevez le ton, la formulation et la gestuelle des protagonistes.

      7. Que permet d'enclencher l'arrivée de Marceau ? Pourquoi peut-on parler de dérèglement ?



      14/11/2009

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