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Histoire de l'Assemblée nationale

Histoire de l'Assemblée nationale




L'histoire de la représentation nationale depuis deux siècles est étroitement liée à celle du principe démocratique et du chemin accidenté qu'il a dû parcourir avant de trouver dans nos institutions une consécration définitive.
Si les Français ont périodiquement élu des représentants depuis 1789, le mode de désignation et les pouvoirs de ces mandataires ont considérablement varié selon les époques, les périodes d'effacement de l'institution parlementaire coïncidant généralement avec un recul des libertés publiques.
A cet égard, les dénominations ne sont pas innocentes. Celle d'« Assemblée nationale », choisie dans la ferveur de 1789, ne réapparaîtra - si l'on excepte la brève parenthèse de 1848 - qu'en 1946. Se succéderont entre temps des appellations plus ou moins réductrices (« Chambre des représentants », « Corps législatif », « Chambre des députés » ...) qui traduisent, à des degrés divers les réticences, voire l'hostilité déclarée des gouvernants à l'égard du principe de la souveraineté du peuple.

 

L'acte de naissance : 1789

Après plusieurs tentatives de réformes qui n’ont pas été menées à leur terme, notamment celle de Turgot de 1774 à 1776, la monarchie française se trouve confrontée à une crise politique, économique et financière. De 1787 à 1789, la détérioration des conditions de vie est mal supportée par le peuple, qui s’indigne d’autant plus de la persistance des privilèges.

 

En août 1788, Louis XVI convoque les états généraux qui se réunissent le 5 mai 1789, à Versailles, dans la salle des Menus-Plaisirs. Les députés sont élus séparément par les trois ordres : le clergé, la noblesse et le tiers état. En nombre égal aux représentants des deux ordres privilégiés, les députés du tiers demandent aussitôt de voter, non par ordre, mais par tête.

 

Le 17 juin, alors que les députés de la noblesse et du clergé sont réunis dans des salles séparées, le tiers état – à l’instigation de Sieyès – se constitue en Assemblée nationale,considérant que le tiers état représente « les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la nation ». Réunis le 20 juin, dans la salle du Jeu de paume, ses membres font le serment de « ne jamais se séparer et [de] se rassembler partout où les circonstances l’exigeraient jusqu’à ce que la constitution fût établie et affermie sur des bases solides ».

Ils font acte de souveraineté en matière d'impôt et décident d'élaborer une constitution limitant les pouvoirs du roi. La souveraineté réside désormais, non plus dans la personne du monarque, mais dans la nation qui l'exerce par l'intermédiaire de représentants qu'elle choisit. Un nouvel ordre politique naît.  

Le jour de la prise de la Bastille, le 14 juillet, l’Assemblée décide que « la constitution contiendrait une Déclaration des droits de l’Homme », adoptée le 26 août 1789. Les principes qu'elle énonce acquièrent aussitôt une valeur universelle et consacrent les libertés individuelles parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme.

 

Les assemblées révolutionnaires (1791-1799)

La Constitution de 1791 conférait à l'Assemblée législative, élue pour deux ans au suffrage restreint, compétence pour voter les lois et l'impôt, fixer les dépenses publiques, ratifier les traités et déclarer la guerre. Elle siégeait de plein droit et ne pouvait être dissoute. Le roi, détenteur du pouvoir exécutif, ne disposait que d'un droit de veto suspensif.
Après la déchéance de Louis XVI, le 10 août 1792, une nouvelle assemblée élue au suffrage universel, dénommée Convention par référence à l'exemple américain, fut chargée d'élaborer une constitution républicaine. La première, votée en 1793, ne fut jamais appliquée.
La Constitution de l'an III (1795)
partageait le pouvoir législatif entre deux Chambres élues pour trois ans au suffrage restreint (le Conseil des Cinq-Cents qui avait seul l'initiative des lois et le Conseil des Anciens) face à un exécutif de cinq membres, dénommé le Directoire.
Après quatre années de forte instabilité politique, le coup de grâce fut porté à ce régime le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) par Bonaparte dont la prise de pouvoir ouvre une longue période d'effacement des assemblées.

 

La représentation muselée (1799-1830)

La Constitution de l'an VIII (1799) qui régira la France sous le Consulat et le Premier Empire partage le pouvoir législatif entre quatre assemblées (Conseil d'État, Tribunat, Corps législatif et Sénat) dont aucune n'est élue au suffrage direct. Cet éclatement favorise la toute puissance de l'exécutif dont Napoléon sera l'unique détenteur.
La charte
octroyée par Louis XVIII en 1814 marque le rétablissement de la souveraineté royale, faiblement tempérée par l'existence d'un parlement composé de deux assemblées : la Chambre des députés élue pour cinq ans au suffrage restreint et la Chambre des pairs héréditaires ou désignés à vie. Convoquées par le roi, qui peut clore la session quand il le désire, privées de toute initiative ou moyen d'action sur le Gouvernement, ces chambres n'ont qu'une apparence de pouvoir.

 

L'amorce du régime parlementaire (1830-1848)

Dans le régime qui succède à la Révolution de 1830 se fait jour une conception nouvelle de la souveraineté : la charte n'est plus octroyée mais votée par la Chambre et acceptée par le roi qui lui jure fidélité. Un pacte est ainsi conclu entre les représentants de la nation et le monarque, codétenteurs de la souveraineté.
Les deux Chambres se voient restituer l'initiative des lois. C'est au cours de cette période qu'apparaît le principe de la responsabilité des ministres devant le Parlement.

 

De l'intermède républicain au Second Empire (1848-1870)

La constitution républicaine établie après la révolution de 1848 plaçait face à face une Assemblée nationale législative de 750 membres et un président élus tous deux au suffrage universel mais dépourvus de tout moyen d'action l'un sur l'autre. Cette séparation excessive des pouvoirs aboutit au coup d'État du 2 décembre 1851 : Louis-Napoléon Bonaparte dissout l'assemblée et se fait remettre, par un plébiscite, le pouvoir constituant.
La constitution de 1852
reprend, pour affaiblir la représentation nationale, les méthodes éprouvées sous le Premier Empire : face à un exécutif omnipotent - les ministres nommés par l'Empereur ne dépendent que de lui - le Corps législatif élu partage des pouvoirs réduits avec le Conseil d'État, composé de fonctionnaires, et le Sénat, dont les membres sont nommés à vie.
Ces institutions ne survivent pas à la défaite de 1870. Après la chute de l'Empire, l'Assemblée élue le 8 février 1871 et installée à Bordeaux, puis à Versailles jusqu'en 1879, va élaborer les lois constitutionnelles de 1875 qui régiront la France pendant 65 ans et fondent véritablement le régime parlementaire.

 

L'enracinement du régime parlementaire (1875-1940, 1946-1958, de 1958 à aujourd'hui)

La Troisième République

Les lois constitutionnelles de 1875 partagent le pouvoir législatif entre la Chambre des députés, élue pour quatre ans au suffrage universel direct, et le Sénat, élu pour neuf ans au suffrage indirect. Les deux chambres ont des attributions très étendues, en matière tant d'initiative des lois que de contrôle du Gouvernement dont elles peuvent mettre en jeu la responsabilité. Dans la pratique, ce pouvoir sera exercé essentiellement par la Chambre des députés. Le Président de la République disposait à son égard du droit de dissolution qui tomba en désuétude dès 1877. La Troisième République a été marquée par une grande instabilité ministérielle qui s'accompagne paradoxalement, dans l'entre-deux guerres, de fréquentes délégations du pouvoir législatif au Gouvernement.
Le 10 juillet 1940, la Chambre des députés et le Sénat convoqués à Vichy en Assemblée nationale confèrent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain malgré le refus de 80 parlementaires. Il n'existera plus aucun organe de représentation de la volonté nationale jusqu'en août 1944, date à laquelle le Gouvernement provisoire mettra en place une assemblée consultative, avant qu'une assemblée constituante élue élabore les institutions de la Quatrième République.


Les années noires : le procès des Bataillons de la Jeunesse (4-9 mars 1942)


Le 4 mars 1942 s'ouvre au Palais Bourbon le procès de sept jeunes communistes appartenant aux Bataillons de la Jeunesse (FTPF). Arrêtés par la police vichyste et livrés aux autorités allemandes, les sept accusés, âgés de 17 à 27 ans, comparaissent pour 17 attentats et sabotages contre l'armée d'occupation. Ils s'appelaient : Roger HANLET, Acher SEMAHYA, Roger PELTIER, Christian RIZO, Tony BLONCOURT, Pierre MILAN, Fernand ZALKINOW. Tous seront condamnés à mort et fusillés au Mont-Valérien le 9 mars 1942, au terme d'une parodie de procès qui dura trois jours. Procès auquel l'occupant avait voulu donner une signification particulière en choisissant comme lieu le symbole même de la démocratie et de la République. Le 9 mars 2000, un hommage solennel de la Nation leur a été rendu à l'Hôtel de Lassay, là où s'était tenu le procès. Au cours de cette cérémonie, M. Laurent Fabius, alors Président de l'Assemblée nationale, a dévoilé une plaque commémorant le sacrifice de ces résistants. Il devait notamment déclarer : « La Résistance leur doit beaucoup et notre liberté aussi. Les nazis le savaient et c'est la raison pour laquelle ils se montrèrent sans pitié. »


La Quatrième  République

La Constitution du 27 octobre 1946 consacre, comme la précédente, la souveraineté parlementaire et la primauté du pouvoir législatif.
L'Assemblée nationale
élue au scrutin proportionnel dispose, à côté d'un Conseil de la République aux attributions restreintes, des prérogatives les plus étendues : maîtresse de la durée de ses sessions et de son ordre du jour, elle peut seule renverser le Gouvernement. En contrepartie, le Gouvernement peut la dissoudre mais ce droit obéit à des conditions particulièrement strictes qui n'ont été réunies qu'une seule fois en 1955 sous le gouvernement d'Edgar Faure. Favorisée par un régime électoral qui ne permet pas la constitution de majorités politiques homogènes, l'instabilité ministérielle sera de nouveau la règle jusqu'à la crise de mai 1958 qui voit le retour du général de Gaulle.

 

La Cinquième République

Les institutions de la Cinquième République, mises en place en 1958, correspondent aux idées du général de Gaulle, telles qu'il les avait exposées dès 1946. Jusqu'en 1962, les pouvoirs publics doivent résoudre la crise algérienne. Puis, une deuxième phase s'engage, sur le plan institutionnel, avec l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et l'apparition d'une majorité homogène à l'Assemblée nationale, et dans le domaine de la politique extérieure. La période de forte croissance économique se poursuit jusqu'en 1973. 
La recomposition de la majorité après les élections présidentielles de 1974, puis les alternances politiques de 1981 (élections présidentielles, puis élections législatives après dissolution de l'Assemblée nationale), 1986 (élections législatives), 1988 (élections présidentielles, puis élections législatives après dissolution de l'Assemblée nationale), 1993 (élections législatives, suivies des élections présidentielles en 1995) et 1997 (élections législatives, après dissolution de l'Assemblée nationale) ont peu à peu modifié le fonctionnement des institutions. L'Assemblée nationale voit son rôle de plus en plus affirmé, tant du point de vue politique qu'en matière de contrôle du Gouvernement.

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Résultat du scrutin figurant en annexe au procès-verbal de la séance du 10 juillet 1940
 (format PDF: 3163 Ko)

Les 80 députés et sénateurs
(58 députés et 22 sénateurs)
qui ont voté contre l'article unique du projet de loi constitutionnelle
ayant pour objet d'attribuer les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain

Extrait de
ANNALES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Annexe au Procès-verbal de la séance du Mercredi 10 juillet 1940

SCRUTIN (N° 1)
(après pointage)
Sur l'article unique du projet de loi constitutionnelle

LISTE DES 80 DÉPUTÉS ET SÉNATEURS
ayant voté contre l'adoption de l'article unique :

ASTIER Marcel
AUDEGUIL Jean-Fernand
AURIOL Vincent
BACHELET Alexandre
BADIE Vincent
BEDIN Camille
BENDER Emile
BIONDI Jean
BLUM Léon
BONNEVAY Laurent
BOULET Paul
BRUGUIER Georges
BUISSET Séraphin
CABANNES Gaston
CAMEL François
Marquis de CHAMBRUN
CHAMPETIER DE RIBES Auguste
CHAUMIE Pierre
CHAUSSY Arthur
COLLOMP Joseph
CRUTEL Octave
DAROUX Achille
DELOM-SORBE
DEPIERRE Joseph
DORMOY Marx
ELMIGER Alfred
FLEUROT Paul
FOUCHARD Emile
FROMENT Edouard
GIACOBBI Paul
GODART Justin
GOUIN Félix
GOUT Henri
GROS Louis
GUY Amédée
HENNESSY Jean
HUSSEL Lucien
ISORE André
JARDON Eugène
JAUBERT Jean-Alexis
JORDERY Claude
LABROUSSE François
LE BAIL Albert
LECACHEUX Joseph
LE GORGEU Victor
LUQUOT Justin
MALROUX Augustin-Philippe-Emmanuel
MANENT Gaston
MARGAINE Alfred
MARTIN Léon
MAUGER Robert
MENDIONDOU Jean
MOCH Jules
MONTEL Maurice
Lionel Marquis de MOUSTIER
MOUTET Marius
NICOD René
NOGUERES Louis
ODIN jean
PAUL-BONCOUR Joseph
PERROT Jean
PEZIERES Georges
PHILIP André
PLAISANT Marcel
TANGUY-PRIGENT François
RAMADIER Paul
Docteur J.-P. RAMBAUD
RENOULT René
ROCHE Léon
ROLLAND Camille
ROLLAND Jean-Louis
ROUS Joseph
ROY Jean-Emmanuel
SENES Henry
SERRE Philippe
SIMON Paul
THIEBAUT Gaston
THIVRIER Isidore
TREMINTIN Pierre
ZUNINO Michel


Source :

Dossier "Histoire de l'Assemblée nationale" - Histoire et Patrimoine, site de l'Assemblée nationale




28/01/2009

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